Là je suis chez mon grand père, j’ai 8 ans et on part chercher du lait à la ferme, avec mon petit pot en fer, pour le petit déjeuner. Plus tard, grand père prendra sa brouette et on ira dans son champs, à pieds, au bout du village, biner, arroser, cueillir des légumes pour le repas du midi. On longe un mur recouvert de liseron, depuis j’ai toujours eu un coup de coeur pour cette fleur. L’après midi, on ira boire un café chez ses amis, Jean-Paul et Paulette, hé oui, ils ont même un fils qui s’appelle Jean-Paul. Tu te rends compte ! Puis j’irais jouer chez la voisine d’en face qui a 3 garçons. On lira des fanzines de westerns, des Davy Crockett, dans le grenier, couchés sur la paille. J’entend encore les mouches voler.
Paul était cheminot. Quand il rentrait le soir, Paulette faisait chauffer de l’eau sur la cuisinière à charbon, puis la versait dans une bassine en plastique jaune. Elle ajoutait du sel. Paul enlevait ses bottines et ses chaussettes, retroussait son pantalon bleu, s’asseyait et y faisait tremper ses pieds. J’étais fascinée par leur blancheur et l’odeur moite, très particulière, qui envahissait la cuisine.
Fin mai, à la Fête-Dieu, ma grand mère m’ habillait en blanc et me mettait un serre tête entouré de velours et de fleurs blanche. Elle me donnait un petit panier, et, avec les enfants du village, je suivais le prêtre qui portait bien haut l’ostensoirs, pendant que nous jetions en l’air les pétales de notre petit panier. Les grandes personnes nous suivaient en priant et en marchant sur les pétales. Bien que nous étions fin années 50, nous devions ressembler un peu à ces petites filles de l’année 1939.